Le portrait du jour nous emmène chez Linem, maman de 4, option jumeaux . Forcément, ça me parle ! Linem est cette mère qui se souvient chaque jour qu’elle est aussi une femme, une amante, une copine. Cerise sur le gâteau, Linem est aussi auteure (One dollar bill est son dernier roman). Quand mère de famille nombreuse rime avec talentueuse …
La famille nombreuse, c’était un rêve de petite fille ?
Je ne pense pas… Attends, je réfléchis… D’un côté non, vraiment, je ne crois pas avoir jamais mentalisé ou verbaliser ce que serait ma vie plus tard… Pas de rêve de princesse, de prince charmant, de grand mariage et de ils eurent beaucoup d’enfants, non… Et à fois, fonder une famille, une fois que j’ai eu trouvé la bonne personne m’a très vite été évident.
Et mon chiffre favori a toujours été le 4. J’ai souvent plaisanté sur le fait d’avoir quatre enfants, sans y croire vraiment, mais au fond, avec la force de ces pensées évidentes qui se réalisent un jour. J’ai aussi beaucoup blagué sur la possibilité d’avoir des jumeaux… mais là je déconnais réellement pour le coup. Et puis, bah, paf.
Raconte-nous quelques jolis souvenirs de tes grossesses et de tes accouchements
J’ai de la chance d’avoir eu des grossesses plutôt simples. Pour notre aîné, ça a été un nuage, du début à la fin, j’ai vraiment adoré ces neuf mois. Pour mes filles, du fait de la grossesse gémellaire, j’ai un peu plus morflé logiquement… avec le poids, les maux de dos, le fait de voir rester alitée quelques semaines… Mais au final ce sont des bons souvenirs.
Les accouchements, chacun a été très particulier.
Le premier, forcément, parce que c’est le premier. C’était pendant la coupe du monde de 2010 de foot, et nous sommes assez fans de sport à la maison. Les contractions ont débuté dans la journée et se sont intensifiées dans la soirée. On a attendu la mi-temps pour aller à la maternité parce que bon quand même j’avais un peu mal… et notre fils est arrivé deux heures après, c’était magique. Le sentir tout nu, posé contre ma poitrine, réaliser qu’il est là, ça y est…
Pour les filles, j’avais plaisanté sur la date depuis le premier trimestre. Il y avait une sorte d’alignement de planètes ce jour-là, tout concordait et j’aimais la date. J’avais eu des alertes de risque d’accoucher prématurément, renforcé par la géméllité mais au fond de moi, je savais… Ma compagne avait demandé « une petite fille de septembre »… Bon pour assurer le coup, mon corps en a fait deux, et j’ai tenu jusqu’à septembre et jusqu’au fameux jour que j’avais en tête. À minuit, je vous le jure, j’ai rompu la poche des eaux, ça a permis que tout se mette en ordre, dans mon esprit, que mamie vienne garder les aînés, que tout se prépare à la maternité, et il y a eue une sorte de déclic dans ma tête « c’est bon? OK c’est bon » et paf, les contractions ont démarré et en deux heures elles sont arrivées.
Avec des jumeaux, je dois forcément raconter ce moment, où tu viens d’accoucher, avec tout ce que ça implique… qu’un petit être vient tout juste de sortir de toi, que tu pleures, que tu serres ta fille dans tes bras, que tu regardes ton amour les yeux embués, que t’es claquée, les jambes écartées, que tu poses ta tête sur l’oreiller, tu souffles enfin… et qu’on t’annonce « Allez on y retourne »… Là j’ai rien répondu, parce que ça se faisait sûrement pas mais j’ai eu envie de leur dire de faire sans moi pour la seconde, que j’avais piscine…
Mais la naissance la plus difficile restera celle de mon deuxième fils. Je l’ai toujours dit. J’ai beau avoir accouché deux fois, enfin non, trois, j’ai supporté les contractions jusqu’à 9 cm sans broncher ou presque (après j’ai pris la péri hein, faut pas trop déconner), la grossesse gémellaire, la double naissance, les points du périnée tout.. mais rien n’est plus difficile que voir la femme que l’on aime souffrir et se sentir impuissante sur un putain de tabouret. C’est un autre classique, le tabouret. Une sorte de karma cosmique, celui qui n’accouche pas dans la douleur, est forcément voué à supporter l’épreuve mal assis en se pétant le dos… Mais le regard de notre fils posé sur le ventre de ma femme, avec ses petits yeux qui ressemblaient tellement à ceux de celle que j’aime… c’était… pfff… À tomber du tabouret…
Mais pardon, là je m’égare, on ne m’a pas dit, on a combien de temps pour cette interview? La semaine?
À quoi ressemble une journée type de ton quotidien ?
Alors je dirais qu’une journée type n’existe pas… parce que pour faire simple, je travaille dans le médical donc des fois je suis de garde, des fois non… je rentre tard le soir après le repas ou à 7h du matin entre deux biberons et une tartine, je fais une tournée de bisous et je vais me coucher quand tout le monde part travailler… Et des fois je suis plusieurs jours de suite à la maison. Donc notre maitre mot est « l’organisation ».
Un jour, avant… quand j’étais jeune et con, un peu hein, il faut bien le dire, j’ai charrié une pote qui avaient un tableau Excel sur son frigo, avec le planning à 4 entrées pour toute la famille.. et ben là, karma, le mien de tableau, il a 6 entrées, on a un emploi du temps partagé sur nos smartphones (c’est la seule appli dont je sais me servir).
En gros, quand je reste à la maison avec nos deux filles, quand je ne travaille pas, ma chérie dépose les garçons à l’école en allant travailler. À peine le petit dej fini, je pense à ce que je vais faire à manger, parce que j’aime ça hein, c’est un vrai plaisir.. Et ensuite la journée se passe. J’ai toujours un ou deux écrans allumés parce que j’ai plusieurs vies et plusieurs personnes dans ma tête.
Je profite des siestes pour écrire, car dans une autre vie je suis aussi écrivain, ranger la maison, passer le balais, faire une lessive,
Je garde une vie sociale virtuelle très présente au quotidien, qui, on ne va pas se mentir, peut avoir des travers mais reste un super allié pour ta santé mentale quand tu t’occupes de bébés au quotidien car tu peux discuter avec des vrais adultes tout en pouponnant. Ça permet de vider son sac, son trop-plein du quotidien de maman, c’est une vraie 5e roue pour moi, ça.
ça ne remplace pas la vie sociale, que je m’efforce de garder également, mais c’est forcément plus complexe de débarquer chez des potes à 6 pour le week-end ou de sortir boire un verre avec les copines quand tu ne ressembles à rien, que ta veste est tapie de purée etc. Ceci dit j’ai des amis formidables qui ont au moins le mérite de ne pas me le faire remarquer.
Et la journée type se finit par un coucher « tôt » des enfants. C’est la clef de notre mode de fonctionnement, le conseil d’une collègue avant la naissance de notre aîné que je m’efforce de garder. Lavage de dents, histoires à chacun, communes ou non, distribution de câlins, de bisous autour de 20h sauf exception, et à partir de 20h15/20h30, la soirée appartient aux adultes. C’est notre moment. Il est primordial, il maintient la cohésion de notre couple, de l’équipe parentale.
Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi dans la gestion d’une famille nombreuse ?
Alors je réfléchis… Je pense que c’est la peur de ne pas réussir à garder des moments de qualité. Pour tout. Réussir à s’aménager du temps de couple à deux, ce qui est primordial, et aussi du temps individuel avec chacun de mes enfants. C’est quelque chose de très important pour moi. Ils sont une fratrie, nous sommes une famille et bien sûr que nous allons passés la majeure partie de notre temps ensemble, à 6… mais je pense qu’il faut garder du temps avec chacun, emmener le grand voir un match au stade, le moyen faire du ski, et pareil pour les filles, même si on ne va pas nier le fait qu’elles soient soeurs jumelles et qu’elles auront toujours ce lien très fort ensemble, leur donner du temps à chacun, ça me tient beaucoup à coeur et c’est très difficile à mettre en place.
Ce qui est très dur aussi et inhérent à la famille nombreuse c’est le rythme qui fait que tu n’as pas trop le droit à l’erreur. Pour moi la meilleure image c’est qu’on pilote une formule 1. Tout va très vite, tout est à flux tendu… Le moindre grain de sable peut faire dérailler la machine et c’est très difficile à rattraper. Chaque virage est difficile à négocier et si tu te rates… t’es vite en vrac dans les pneus.
Qu’est-ce qui te manque le plus, que tu ne fais plus assez souvent depuis que tu as quatre enfants ?
Ahaha… Alors la légende voudrait que je dise « dormir » ou « faire l’amour », mais non, vraiment, ce serait mentir que de dire ça. Par un heureux malentendu cosmique que je ne m’explique toujours pas, mais chut, je n’ose pas le dire trop fort, nous sommes relativement épargnées et jusque là on réussit miraculeusement à préserver une vie de couple très bonne et un sommeil correct.
J’aménage aussi beaucoup ma vie pour avoir malgré tout du temps pour moi, je ne sais pas trop comment c’est possible… J’écris un peu, je vais au spa, je vois mes copines, je fais du sport.. Lol nan là je déconne… C’est un effort à fournir, d’organisation, financier aussi mais j’y arrive à peu près… Je crois que ça aide qu’on soit plusieurs dans ma tête ! Et surtout, là je plaisante mais très sérieusement, d’être super bien entourée. Nous sommes une vraie équipe parentale, ma femme gère énormément de choses, j’ai des amis de ouf et une famille qui certes a été moins présente depuis la naissance des filles car le côté « arhhh deux bébés en même temps » leur a fait peur, je pense, mais je suis très bien entourée et cela me permet de faire tout ça.
La seule chose peut être que je ne fais plus depuis que j’ai des enfants ce serait d’aller au cinéma… mais ça ne me manque pas vraiment… alors non, en fait, je ne saurais pas trop quoi répondre…
Si, peut-être bien sûr, le fait de faire une soirée, se coucher tard sans se dire « merde on se réveille dans 3 heures »
Quelles sont les erreurs que tu as faites avec les premiers, que tu as pu corriger au fur et à mesure des maternités ?
Indéniablement les faire grandir trop vite.
Sans notion de pression ou de poussée à la performance, et souvent inconsciemment, on a trop expliqué, trop répondu aussi aux questions de notre aîné, et résultat on en oublie parfois que, oui bien sûr communiquer c’est la base, et c’est génial d’expliquer à ses enfants… mais à 3 ans, à 5 ans, ce n’est parfois pas nécessaire ! Les enfants n’ont pas besoin de tout comprendre, il faut qu’ils entendent « tu es un enfant, c’est un problème d’adulte, ne t’inquiète pas », ça lui permet d’entendre « tu es un enfant, profites-en, amuse toi, ne réfléchis pas trop » A vouloir bien faire, tout expliquer, ce n’est parfois pas positif. Au contraire, chez nous, ça a pu induire une forme de stress chez notre grand, de vouloir tout comprendre, de penser qu’il devait tout comprendre, toujours. On a rectifié depuis, du moins on essaie.
La famille nombreuse crée aussi, de fait, une autonomie plus importante chez les enfants. Quand maman doit faire le petit déjeuner de l’un, le sac de l’autre, les bébés apprennent à patienter davantage pour manger ou je ne sais quoi.
On apprend à profiter de chaque phase… À ne pas vouloir qu’ils marchent trop vite, qu’ils sachent lire… l’enfance est si précieuse… je mesure avec le temps combien elle file trop vite. Je ne pense pas qu’il faille la retenir… mais au moins, et c’est une vraie acquisition pour moi de dire ça, au moins lui laisser le temps…
Si tu avais une baguette magique, tu changerais quoi dans ta vie aujourd’hui ?
Une baguette magique? Qui peut tout faire? Vraiment tout tout tout?
Alors forcément je prends d’abord l’option qui efface les cernes, les traits sur le ventre et qui me redonne la poitrine de mes vingt ans. Ensuite si elle fonctionne encore après ça lol… je ne sais pas… j’aime bien ma vie en ce moment… J’ai le droit de ne rien changer?
Si tu ne devais donner qu’un seul conseil à une jeune maman ?
Ne te prends pas la tête.
Profite, écoute-toi, pleure, crie des fois, ne t’inquiète pas trop, et profite encore, profite toujours. Je sais ça fait plusieurs conseils, mais ça se résume dans le premier. On ne peut guère se préparer à être un bon parent… lire Dolto, Filliozat, Gordon, bien sûr, ça aide, évidemment… mais il faut réussir à ne pas que cela annihile une sorte de force intérieure assez étonnante et souvent juste… le bon sens…
C’est bateau peut être je vous vois venir, tu lèves les yeux au ciel je te vois, mais c’est vrai. Dès la grossesse, c’est très présent, cette force intérieure… on sent… Peut être que certaines vont trouver que non, qu’elle ne sente rien, que ce fichu instinct maternel n’est pas là, mais je pense justement que c’est parce que des fois on fait taire cette petite voix, par trop d’infos, trop d’avis… Au fond, je pense qu’on sait toujours. Pas forcément tout de suite, il faut aussi accepter ça, de ne pas savoir, d’avoir peur.
Des fois, moi quand je suis perdue.. Que le grand a 37.8 ou 3 je sas pas on lit mal le thermomètre, que le moyen n’a pas fait caca depuis une semaine, que la petite dernière a une rougeur sous le bras quand je regarde de biais sous la lumière du salon (mais pas de la chambre) ou que j’hésite à appeler le pédiatre parce que j’avais mal lu l’encyclopédie qu’elle m’a donnée sur la diversification et que j’ai donné un peu d’oeufs la veille de ses neuf mois… Dans des cas comme ça, je souffle, et je me dis « OK, tu ferais quoi si t’étais une maman au fin fond du désert de l’Atacama? », vous noterez que ça me permet de voyager un peu… je relativise et je trouve une solution.
Ça ne marche pas pour tout… les questions éducatives… ça, c’est complexe… ça implique tellement de choses profondes, des peurs, des trucs inter générationnels.
Mais les petits bobos, les petits gros bobos.. Ça aide.. Parce qu’il n’y a pas SOS médecins partout dans le monde et que les enfants ont l’air de grandir quand même.
Devenir parent c’est accepter qu’on ne contrôle plus rien. On essaie, on fait du mieux qu’on peut, tous les jours, tous les soirs, toutes les nuits. Mais contrôler, non. Si l’on veut se préparer à quelque chose, il faut se préparer à ça.
Et le petit cinquième, il t’arrive d’y penser ?
Y penser oui… 🙂 Le faire…
Quand on prend des shoots d’amour avec les premiers sourires d’un bébé, qu’on les sent s’endormir de tout leur poids sur notre ventre, qu’on sait d’expérience que ces moments filent… Qu’ils ont déjà filé même… Bien sûr qu’on y pense… bien sûr… la nostalgie de la grossesse, de la naissance, des premières fois…
Mais je pense que ça ne s’arrête jamais cette pensée.. Cette envie.. Cinq, six.. Douze… on ne voudrait jamais se dire que ça s’arrête.
Pour autant, faire des enfants, ce n’est pas « que » les faire.
Et je ne parle même pas de sexe là hein, je parle de les faire grandir, de les aider au quotidien, dans la logistique de la petite enfance, dans les batailles éducatives ensuite, l’adolescence… et je ne parle même pas des études supérieures à leur payer… Et donc pour nous, quatre, deux gars, deux filles, c’est bon, c’est beau, c’est chouette et c’est déjà un sacré challenge que de se dire qu’on va essayer de réussir à peu près tout ça.
On a toujours dit, après le premier, après le deuxième, quand on nous posait la sempiternelle question « Alors?? Le suivant?? », qu’on allait essayer de « réussir celui/ceux-là d’abord ». Alors là c’est pareil, on va s’efforcer de les réussir, déjà nos quatre lardons d’amour, ou du moins, de pas trop les rater… c’est déjà un sacré bel objectif.
Donc, y penser oui, bien sûr. Le faire, non. 🙂
Même si, on ne peut jamais savoir… la vie ne se termine que le jour où on meurt. Grande phrase hein?
Merci pour ce témoignage et bravo pour ce bonheur familial et conjugal !
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